Plusieurs décisions prises par des communes ont récemment divisé l’opinion, à l’image du maire de Caudry qui a décidé de suspendre des aides sociales communales à des familles de délinquants arrêtés pour avoir mis le feu à une ancienne usine textile. La question se pose quant à la légalité de ce type de décision car, comme le rappelle l’avocat Antoine Beraud, il existe en France des lois ainsi qu’une constitution. Explications.
Une mesure controversée visant à responsabiliser les familles
Le maire de Caudry, Frédéric Bricout (UDI), a décidé de frapper fort après plusieurs mois d’actes de violence et autres incivilités au sein de sa commune. Le dernier épisode en date : sept mineurs ont été arrêtés et placés en garde à vue suite à un incendie déclenché dans une ancienne usine textile. Il souligne à cette occasion la multiplication des actes entraînant un « non-respect de la tranquillité publique, du confinement et des règles sanitaires ».
Il décide alors de réunir le conseil d’administration du Centre communal d’action sociale (CCAS) qui vote alors à l’unanimité la suppression des aides sociales de la ville de Caudry à destination des familles « dont un membre aura fait l’objet d’un rappel à l’ordre ou pour lequel l’accompagnement parental proposé par le Conseil des Droits et devoirs des Familles (CDDF) aura été refusé ou aura fait l’objet d’un jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public ou objet d’un préjudice à l’égard de la commune ». Il s’agit en l’occurrence de stopper des aides dites « facultatives » comme l’aide au paiement des frais de cantine, l’accès à l’épicerie solidaire, le règlement des factures d’électricité, etc.
L’objectif du maire de la commune est de faire prendre conscience aux familles de la nécessité de responsabiliser l’ensemble de la population. Toutefois, cette mesure est à la limite de la légalité, raison pour laquelle Frédéric Bricout modère quelque peu ses propos en expliquant qu’il est prévu dans un premier temps de recevoir les familles en présence du mineur à qui il sera demandé de revoir son comportement. Cas échéant, la mesure de suppression des aides sera actée.
Individualisation des peines et discrimination
Il est important de rappeler qu’un maire ne peut intervenir sur des aides comme les allocations de rentrée scolaire ou les allocations familiales qui ne sont pas de sa responsabilité. Mais nous sommes ici dans le cadre d’aides accordées par le CCAS, contexte dans lequel le maire peut intervenir.
Toutefois, s’il est vrai que le maire peut accorder ou non ces aides, sa décision doit reposer pour cela sur des critères tangibles et objectifs comme cela peut être le cas avec l’âge, les revenus ou encore un casier judiciaire vierge. En somme, les conditions d’attribution doivent être en lien concret avec l’aide au risque de déclencher dans les conditions d’accès une forme de discrimination.
Ainsi, le fait de supprimer l’accès à une épicerie solidaire ou d’interrompre une aide pour payer la cantine ou des factures d’électricités au nom d’un « rappel à l’ordre » ou d’un « jugement définitif suite à une infraction troublant l’ordre public » n’entre pas dans ce cadre.
Autre point sensible : l’individualisation de la peine. La loi prévoit des sanctions pour des actes qu’une personne a commis, en aucun cas pour un autre membre de la famille. La suppression des aides pour « responsabiliser les familles » revient ni plus ni moins qu’à sanctionner les parents pour des actes qu’ils n’ont pas commis. Des chercheurs ont en outre effectué des recherches sur ce type d’approche. Sebastian Roché, sociologue et directeur de recherche au CNRS, explique ainsi qu’ « il n’y a pas d’effet positif démontré de ce type de mécanisme. Ce qui fonctionne, ce sont les mesures qui permettent d’accompagner les parents. Comme toute source de stress, la baisse de leurs ressources diminue leurs capacités éducatives ».