Les Français ont-ils du mal à parler d’argent ? Il semblerait que si. Du moins, ce sont les bruits qui courent. Et vous connaissez l’adage : pas de fumée sans feu ! A l’heure où le débat sur la publication du patrimoine des politiques fait rage, la question des relations qu’entretiennent les Français avec l’argent refait surface. Car, contrairement à d’autres pays, et notamment les Etats-Unis où afficher sa richesse a été élevé au rang d’art, l’argent reste un sujet délicat, voire tabou en France. Mais pourquoi donc ? Eléments de réponse !
Un sujet sensible pour les Français
Vous l’aurez certainement remarqué, en France, parler d’argent est souvent considéré comme une sorte de faux pas social. Cette perception est étayée par des données statistiques : un sondage Ifop a révélé que 78 % des Français pensent qu’être riche est mal vu dans le pays, et un cinquième d’entre nous le considère même comme très mal vu.
Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Cevipof et auteure de « L’Argent et nous », le confirme. Son livre, publié en 2007 après une enquête qui aura duré deux ans, s’attelle à explorer cette réticence. Mossuz-Lavau, ayant précédemment étudié la vie amoureuse et sexuelle des Français, fut surprise par la différence d’attitude face à l’argent : « Les mêmes qui avaient parlé très librement de la sexualité avaient beaucoup plus de mal à parler de l’argent », observe-t-elle. En France, dévoiler son salaire, ses investissements ou exprimer ses désirs financiers reste largement inapproprié.
Des causes culturelles et historiques
Cette réticence bien française à parler d’argent aurait des racines à la fois culturelles et historiques. Mais peu importe les raisons, une meilleure éducation financière contribuerait certainement à lever ce blocage. Mais revenons au sujet qui nous intéresse…
Pour la sociologue Janine Mossus-Lavau, il existe trois raisons culturelles majeures qui expliqueraient la discrétion (excessive) des Français sur les questions d’argent, au premier rang desquelles l’influence de la tradition catholique. Celle-ci, perçue comme une « religion pour les pauvres, qui doit s’occuper des pauvres », tend à dépeindre l’enrichissement personnel sous un mauvais jour. En outre, l’empreinte du marxisme laisse subsister l’idée que « le profit, ce n’est pas bien ». Et enfin, la sociologue pointe du doigt l’héritage de la culture paysanne française, où « les paysans avaient de l’argent liquide à la maison, et il ne fallait pas en parler pour ne pas susciter les envies ».
La sociologue Janine Mossuz-Lavau identifie trois raisons culturelles majeures expliquant la discrétion des Français sur les questions d’argent. Premièrement, l’influence de la tradition catholique, perçue comme « une religion pour les pauvres, qui doit s’occuper des pauvres », tend à dépeindre l’enrichissement personnel sous un jour négatif. Deuxièmement, l’empreinte du marxisme laisse subsister l’idée que « le profit, ce n’est pas bien ». Troisièmement, l’héritage de la culture paysanne française, où « les paysans avaient de l’argent liquide à la maison, et il ne fallait pas en parler pour ne pas susciter les envies », détaille-t-elle.
Yannick Marec, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Rouen et co-directeur de l’ouvrage « Les Français et l’Argent » (2011), met également l’accent sur cette tradition rurale. Il souligne que la France, un pays tardivement industrialisé, était fortement attachée à la terre et méfiant vis-à-vis de l’argent. « L’acclimatation au rôle de l’argent s’est faite après la Seconde Guerre mondiale. A une époque où l’Angleterre avait depuis longtemps sa City », explique-t-il. Il rappelle par ailleurs que la Révolution française est née d’une crise financière où l’on a « remis en cause le fait que les ordres privilégiés ne payaient pas d’impôts et s’enrichissaient ». Cette « dimension égalitaire et républicaine » imprègne toujours la société française, et la méfiance envers la richesse « se réactive en fonction de la difficulté économique », résume-t-il.