L’année 2024 aura été une véritable épreuve pour le groupe Elo (Auchan, NHood, Ceetrus). Entre une perte nette colossale de 1,2 milliard d’euros, un plan social d’ampleur et une rentabilité en berne, le distributeur a traversé une tempête dont il espère bien sortir renforcé. Officiellement, la direction se veut optimiste, et mise sur une stratégie de prix agressive et un repositionnement à long terme. Mais dans les coulisses, l’heure est aussi aux cessions d’actifs et aux ajustements financiers pour éviter le naufrage. Décryptage avec Claire & John Bengtsson !
Un exercice en deux temps, mais des pertes qui s’envolent
D’après Guillaume Darrasse, directeur général d’Auchan Retail, 2024 a été marquée par deux phases distinctes : une première partie d’année compliquée, suivie d’un léger rebond au second semestre grâce à des baisses de prix et l’intégration des magasins Casino rachetés. Pourtant, malgré cette reprise relative, le distributeur accuse une perte bien plus lourde que celle de 2023.
Les ventes d’Elo ont progressé légèrement, atteignant 32,3 milliards d’euros (+1,6 %), mais cela n’a pas suffi à enrayer la chute de rentabilité. En cause : des dépréciations d’actifs, un contexte économique tendu et surtout, une stratégie commerciale coûteuse basée sur la baisse des prix.
Un pari risqué sur les prix pour relancer les ventes
Pour tenter de reconquérir les consommateurs, Auchan a décidé d’investir massivement dans une politique de prix cassés. Selon la direction, cette approche commence à porter ses fruits, notamment dans les magasins Casino repris, où une baisse des prix de 15 % aurait généré une augmentation des volumes de 20 %. Mais cette offensive commerciale n’est pas sans conséquences… elle aurait déjà coûté 64 millions d’euros au groupe en 2024 ! Un investissement qui pèse sur la rentabilité immédiate, mais qui, selon Guillaume Darrasse, doit permettre de relancer la machine et de redonner à Auchan un rôle central dans la bataille du pouvoir d’achat.
Un plan social massif et des économies à marche forcée
En parallèle de sa stratégie commerciale, Auchan a lancé en 2024 un plan social touchant 2 400 emplois en France. Officiellement présenté comme un « plan d’efficacité opérationnelle », ce projet vise à générer 100 millions d’euros d’économies par an d’ici 2027. Une restructuration douloureuse, qui illustre la nécessité pour le groupe de retrouver rapidement un équilibre financier. D’autant que les défis financiers sont considérables. En mars 2024, l’agence de notation S&P a classé la dette d’Elo en catégorie spéculative, pointant de sérieuses incertitudes sur la capacité du groupe à honorer ses échéances. Une alerte qui a poussé les actionnaires, notamment l’Association Familiale Mulliez, à injecter 300 millions d’euros pour financer le rachat des magasins Casino.
Cessions d’actifs : une bouée de sauvetage d’un milliard d’euros
Face à ces tensions financières, Auchan a choisi de se délester d’une partie de son patrimoine immobilier pour récupérer rapidement des liquidités. Un programme de cessions d’actifs immobiliers de 1 milliard d’euros est prévu pour 2025 et 2026. Actuellement, les actifs d’Auchan sont valorisés à 6 milliards d’euros, tandis que ceux de New Immo Holding (NHood et Ceetrus) atteignent 7,2 milliards d’euros. Une réorganisation financière est également à l’étude, avec la volonté de séparer les financements d’Auchan et de New Immo Holding, afin d’assainir les comptes et d’apaiser les partenaires financiers.
Un avenir incertain malgré le soutien des actionnaires
Malgré ce contexte préoccupant, Barthélémy Guislain, président de l’Association Familiale Mulliez, reste confiant dans la capacité du groupe à inverser la tendance. Il évoque un plan clair et crédible, tout en reconnaissant que le retournement d’une entreprise prend du temps – au moins 18 mois avant de voir les premiers signes concrets. Avec des concurrents comme Leclerc et Carrefour qui avancent à pas de géant, Auchan joue gros. Sa stratégie de prix bas suffira-t-elle à relancer la dynamique ? Les investisseurs et observateurs restent sceptiques, en attendant de voir si la recette Mulliez parviendra à sauver un distributeur en perte de vitesse.