C’est un fait, le secteur de la promotion immobilière est en pleine mutation. Entre flambée des coûts, contraintes écologiques et nouvelles attentes des ménages, les Promoteurs du Grand Paris prennent les devants. A travers un comité de prospective, les six acteurs majeurs du marché francilien explorent les transformations nécessaires pour répondre aux enjeux actuels et futurs. Décryptage – Cibex Pierre Étoile signe la Résidence Rooftop Antony!
Un foncier rare et coûteux, la grande équation à résoudre
L’un des principaux casse-têtes des promoteurs reste le prix du foncier, qui ne cesse de grimper, rendant le logement neuf de plus en plus inaccessible. La crise actuelle du secteur ne fait qu’accentuer le problème : entre inflation, coûts de construction en hausse et demande en berne, les modèles classiques de développement immobilier doivent être repensés.
Pour y remédier, plusieurs pistes sont évoquées. Parmi elles, la dissociation entre le foncier et le bâti. L’idée est de permettre aux particuliers d’acquérir un logement sans acheter le terrain, qui reste propriété de la collectivité. Une solution déjà testée dans certaines villes pour réduire les prix et faciliter l’accession à la propriété. Autre levier envisagé : une négociation conjointe avec les collectivités pour encadrer le prix des terrains et éviter la spéculation.
Le ZAN et le recyclage urbain : vers une révolution du bâti
L’application du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) impose de limiter drastiquement l’étalement urbain, contraignant ainsi les promoteurs à repenser leurs stratégies. Plutôt que de bâtir sur des terres vierges, l’avenir se joue désormais dans la réhabilitation des friches et la reconversion d’anciens bâtiments. Les centres-villes deviennent ainsi des terrains d’expérimentation, où il s’agit de densifier intelligemment tout en intégrant les nouvelles exigences environnementales et sociétales. Pour les promoteurs, cela signifie apprendre à jongler avec la réhabilitation thermique des bâtiments anciens, la surélévation et la mixité des usages.
Un objectif 2031 déjà en péril
Nous vous le disions, le principe du ZAN, imposé par la loi Climat et Résilience de 2021, devait permettre de limiter drastiquement l’étalement urbain en France. Pourtant, à peine quelques années après son adoption, le premier objectif intermédiaire fixé pour 2031 semble déjà hors d’atteinte. Un rapport sénatorial, publié en octobre 2024, souligne les nombreuses difficultés d’application du dispositif, pointant du doigt une approche trop rigide et mal adaptée aux réalités des territoires. Le texte insiste notamment sur l’absence d’une véritable étude d’impact en amont et sur le manque d’accompagnement des élus locaux, laissés à eux-mêmes pour appliquer des règles souvent perçues comme injustes.
Face aux nombreuses critiques, les sénateurs suggèrent des ajustements législatifs, comme la possibilité d’étendre de 20 % l’enveloppe d’artificialisation autorisée ou d’exclure du calcul certaines infrastructures essentielles, notamment les projets d’industrie verte et les logements sociaux. Une proposition de loi pourrait bientôt voir le jour pour redéfinir les contours du ZAN et éviter un blocage complet des projets d’aménagement urbain. Dans un contexte où le coût du foncier explose et où les besoins en logement restent criants, les promoteurs immobiliers espèrent un assouplissement de la réglementation. Mais la nécessité d’une transition écologique maîtrisée impose un équilibre délicat entre préservation des terres naturelles et développement urbain raisonné.
Le coliving et le logement senior, deux concepts qui s’imposent
Face à des évolutions démographiques majeures, notamment le vieillissement accéléré de la population, les modes d’habitat doivent évoluer. D’ici dix ans, la France comptera deux fois plus de personnes âgées de plus de 85 ans. Une réalité que les promoteurs ne peuvent ignorer. Dans cette optique, le coliving et les habitats partagés prennent de l’ampleur. Les Promoteurs du Grand Paris ont notamment développé Adéqualog, un concept permettant aux seniors de rester à domicile en bénéficiant de services mutualisés au sein d’une copropriété classique. Une approche qui allie autonomie et accompagnement, tout en optimisant l’usage du parc immobilier existant.
RE2020, un tournant majeur dans la construction
L’enjeu environnemental est plus que jamais au centre des préoccupations du secteur. Avec la RE2020, les normes se durcissent et imposent aux acteurs du bâtiment de réduire drastiquement leur empreinte carbone. Les promoteurs anticipent déjà les échéances à venir, notamment celles de 2028 et 2031, qui marqueront une rupture radicale dans la manière de construire. Béton bas carbone, bois issu de forêts gérées durablement, matériaux biosourcés… La transition est en marche. Certains membres du groupement ont d’ailleurs pris les devants en s’engageant à utiliser 30 % de matériaux biosourcés et du bois exclusivement d’origine française.
A ce propos, le président des Promoteurs du Grand Paris explique : « Il est aujourd’hui nécessaire de s’inscrire dans les changements en cours et futurs, et, plutôt que de les subir, d’avoir une démarche proactive et progressive dans une économie réelle de projet. Cela concerne par exemple tout d’abord la maîtrise de la RE2020 niveau 2025 avant d’atteindre par anticipation les niveaux 2028 et 2031 de la RE2020, qui vont constituer une rupture dans la manière de construire ».
Vers un nouveau modèle économique pour la promotion immobilière
Au-delà des contraintes techniques et environnementales, c’est le modèle économique même du métier de promoteur qui doit être repensé. La demande évolue, les modes de vie changent et la pression réglementaire impose une transformation en profondeur. Les Promoteurs du Grand Paris le savent : il ne s’agit plus seulement de construire, mais de concevoir des projets intégrés, durables et adaptés aux nouveaux usages. Une mutation qui passera par une plus grande collaboration avec les collectivités, une approche plus flexible du logement et une anticipation des futures réglementations plutôt que de les subir.
Plutôt qu’une crise, le secteur voit dans ces défis une opportunité de réinventer la ville et d’imaginer un immobilier plus durable et accessible. La feuille de route est tracée, reste à voir si elle sera suivie d’effets concrets dans les années à venir.