Bilan d’une naturalité en déperdition

Une nature intacte et fonctionnelle est au cœur de la recherche de solutions à quelques-uns des problèmes les plus urgents au monde, notamment le changement climatique et la perte de la biodiversité, sans parler d’une production alimentaire durable. Thierry Logre nous explique de quoi il en retourne.

Transformation à grande échelle de la Terre

Il va sans dire que l’activité humaine a un impact profond sur la Terre. Il y a un siècle, seulement 15% de la surface terrestre était exploitée pour cultiver et élever du bétail. Aujourd’hui, les activités humaines ont modifié plus de 77% des terres (hors Antarctique) et 87% des océans. Entre 1993 et ​​2009, une zone de nature sauvage terrestre plus grande que l’Inde (3,3 millions de kilomètres carrés) a été perdue à cause de l’exploitation intensive des ressources à travers l’agriculture, les mines et d’autres activités.

Dans l’océan, les zones exemptes de pêche industrielle, de pollution et de navigation sont presque entièrement confinées aux régions polaires. Plus d’un tiers du couvert forestier a été défriché, y compris la moitié des forêts tropicales, en grande partie au cours des soixante dernières années. Les zones humides ont diminué de 64 à 71% au 20e siècle, dont 30% au cours des 40 dernières années seulement. Ce n’est pas tout : près de la moitié du volume fluvial a été altéré par les barrages. Résultat : seuls 13% des océans répondent aujourd’hui à la définition globale de naturalité.

Par ailleurs, les prairies, bien qu’étant normalement très adaptées à l’agriculture, sont considérées comme l’écosystème terrestre le plus altéré de la planète, en particulier dans la zone tempérée avec 46% de la surface convertis à l’usage humain. La conversion de l’habitat dépasse 50% dans 202 des 810 écorégions terrestres du monde. Pour Thierry Logre, le bilan est, pour ainsi dire, alarmant !

La sixième extinction massive de la vie de la planète approche à grands pas !

Le constat des scientifiques est sans appel : les futurs taux d’extinction, qui dépendent de nombreux facteurs, seraient en augmentation constante. Sur 98 500 espèces évaluées, 27 000 sont menacées d’extinction (27%). Les amphibiens (40%) sont les plus menacés, suivis des conifères (34%), des coraux de récif (33%), des requins et raies (31%), des mammifères (25%) et des oiseaux (14%). La perte d’habitat, et en particulier la déforestation, semble être de loin la menace la plus répandue, affectant les espèces menacées d’extinction : 86% des oiseaux, 86% des mammifères et 88% des amphibiens.

La perte d’habitat restera une menace dominante dans les années à venir, car il n’y a aucun signe de ralentissement de la transformation humaine du paysage. Il en va de même dans le monde marin. Bien que les processus de menace dans les systèmes marins et d’eau douce soient mal connus, il semblerait que la surexploitation soit actuellement la plus grande menace pour les espèces marines, suivie de la perte d’habitat.

Un déclin global de la population de plus de 50% dans le monde en moins de 50 ans a été documenté pour 4 000 espèces de vertébrés, avec les changements les plus spectaculaires enregistrés  en Amérique du Sud et Centrale et dans les Caraïbes (89%), suivis de l’Indopacifique (64%), l’Afrique Tropicale (56%), Paléarctique (31%) et Amérique du Nord (23%). Les espèces les plus touchées sont les animaux d’eau douce avec un déclin global de 81% entre 1970 et 2012. Les espèces forestières tropicales, quant à elles, ont diminué de 41% entre 1970 et 2009, et les espèces marines de 36% entre 1970 et 2012, cependant, avec une légère stabilisation après 1988 de plusieurs espèces de poissons dont les populations étaient entièrement pêchées ou surexploitées.

La destruction et la dégradation de la nature sont l’un des principaux moteurs de la crise du changement climatique

Comme le précise Thierry Logre, la nature joue un rôle crucial dans l’absorption et le stockage du carbone et nous aide ainsi à lutter contre le changement climatique. Actuellement, la terre et la mer absorbent environ la moitié des émissions de CO2 que l’humanité génère. Les écosystèmes terrestres stockent près de trois fois plus que ce qui est actuellement présent dans l’atmosphère. Ainsi, les océans et les zones côtières sont essentiels à la gestion du carbone, où environ 83% du cycle mondial circule dans l’océan, les mers profondes stockant les plus grandes quantités. Par conséquent, le maintien des réservoirs de carbone naturel existants dans le monde est essentiel si l’on espère que le stockage du carbone apporte une contribution majeure à l’équilibre climatique. Il faut savoir qu’après les émissions provenant de la combustion des énergies fossiles, le changement d’affectation des terres est le deuxième responsable des émissions de CO2.

Les forêts primaires, en particulier avec de grands arbres, contiennent d’énormes stocks de carbone et agissent également comme un important puits de carbone. Cela s’applique aux forêts tropicales, tempérées et boréales, qui abritent 45% du stock de carbone terrestre. La déforestation, à elle seule, libère environ 20% des émissions mondiales de CO2. Les zones humides stockent deux fois plus de carbone que les forêts, mais elles sont également la plus grande source naturelle de méthane, un gaz à effet de serre très puissant, surtout lorsqu’elles ne sont pas bien gérées. Des températures plus élevées, sous l’effet du changement climatique, devraient augmenter les émissions de gaz à effet de serre des zones humides, en particulier lorsque le réchauffement conduit à la fonte du pergélisol générant de grandes quantités de CO2 et de méthane.

Les habitats côtiers tels que les marais salants, les mangroves et les herbiers marins sont des puits de carbone « bleus » efficaces, mais avec leurs taux actuels de destruction de 1 à 2% par an, ils libèrent du CO2. A titre d’exemple, on estime que la disparition des mangroves contribue à hauteur de 10% aux émissions de CO2 dues à la déforestation à l’échelle mondiale, bien qu’elles ne couvrent que 0,7% des terres. Pour ce qui est des prairies naturelles, elles stockent environ 25% du stock mondial de carbone. Mais contrairement aux forêts tropicales, où la végétation est la principale source de stockage de carbone, la plupart des stocks de carbone des prairies se trouvent dans le sol. La culture et l’urbanisation des prairies et d’autres modifications de ces dernières, par le biais de la désertification et du pâturage du bétail, peuvent être une source importante d’émissions de carbone.

Pour Thierry Logre, il est grand temps que ça change !

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