Depuis l’année 2013, un salarié désireux de revendiquer des sommes dues par son employeur devant les tribunaux dispose d’un délai de 3 ans, raccourci par rapport au délai précédent de 5 ans. Cette modification dans la durée de la prescription a, inévitablement, des répercussions sur les procédures judiciaires en cours. Une situation récemment portée devant la Cour de cassation illustre parfaitement ces implications. Décryptage !
Prescription des primes selon les conventions collectives : retour sur le cas d’une salariée d’une fromagerie
Dans une fromagerie, une salariée, insatisfaite à la suite de la rupture de son contrat de travail, avait porté son affaire devant le conseil des prud’hommes. Elle y réclamait une régularisation des primes d’ancienneté et de treizième mois. Cela dit, le dénouement s’est opéré en cour d’appel, où sa demande concernant certaines années fut rejetée, les magistrats estimant qu’elle avait dépassé le délai légal de prescription pour ces requêtes.
De l’avis de Convention.fr, il est primordial de comprendre que, lorsqu’un salarié demande le paiement de salaires, il est soumis à une limite temporelle. En effet, depuis une loi promulguée le 14 juin 2013, ce délai de prescription est fixé à 3 ans, démarrant du jour où le salarié a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, des faits l’autorisant à effectuer cette demande. Rappelons qu’avant cette loi, le délai était de 5 ans. Dans le cas d’éléments salariaux découlant d’une convention collective, le décompte débute dès que le salarié connaît précisément la convention applicable à son entreprise.
Pour mieux cerner cette affaire, suivez le fil des événements : le 22 septembre 2014, la salariée a sollicité le conseil des prud’hommes, et a introduit ses premières demandes concernant les primes le 13 février 2015, conformément à sa convention collective. En revanche, le 9 septembre 2019, devant la cour d’appel, elle émet de nouvelles requêtes concernant ces mêmes primes, mais pour une période antérieure à celle validée par les prud’hommes (c’est-à-dire avant 2012). Ces nouvelles demandes ont été rejetées par la cour, jugeant qu’elles étaient prescrites selon la règle des 3 ans.
La Cour de cassation éclaire sur les demandes tardives dans la procédure
La Cour de cassation s’est penchée sur une question relative aux conventions collectives : est-ce que des demandes formulées tardivement dans le processus judiciaire sont soumises à la prescription ? La haute juridiction a clarifié certains principes fondamentaux…
Premièrement, toute action en justice, y compris en référé, a pour effet d’interrompre la prescription. De plus, toutes les requêtes liées à un contrat de travail entre les mêmes parties sont consolidées en une seule instance. Cependant, il y a une exception lorsque la base des demandes est apparue ou a été découverte après avoir saisi le conseil de prud’hommes. De là découle une règle importante : bien que généralement l’interruption de la prescription ne puisse s’appliquer d’une action à une autre, cette logique change quand les deux actions, pendant la même instance, sont relatives à l’exécution du même contrat de travail.
Le délai de prescription pour le paiement ou la restitution du salaire est de trois ans, à partir du moment où la partie concernée est informée ou aurait dû être informée des faits autorisant cette action. La demande peut ainsi concerner les sommes dues sur les trois dernières années à partir de cette date ou, en cas de rupture du contrat de travail, sur les trois années précédant cette rupture. A partir du 16 juin 2013, ces dispositions s’appliquent, mais la durée totale de la prescription ne peut dépasser cinq ans, durée fixée par la législation antérieure.
Dans ce contexte, la Cour de cassation a mis l’accent sur deux points cruciaux :
- Premièrement, la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud’hommes le 22 septembre 2014, même si les revendications pour la période antérieure à 2012 ont été formulées plus tard ;
- Deuxièmement, à cette date, la prescription triennale introduite par la loi de juin 2013 s’appliquait, sans toutefois dépasser la durée totale de cinq ans.
Ainsi, toutes les demandes concernant les créances salariales dues après le 22 septembre 2009 étaient valides. L’affaire nécessite un nouvel examen devant les tribunaux !