Protection de l’enfance : un service public en péril

Cinq enfants souriants, de différentes origines, debout côte à côte sur un fond jaune, protégés symboliquement par deux grandes mains au-dessus d’eux.

Depuis plusieurs années, les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance tirent la sonnette d’alarme. Leurs alertes sont claires, répétées, documentées. Mais sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader. Derrière les discours officiels sur le retour à l’autorité, ce sont surtout les moyens humains et financiers qui s’effondrent. Les délais de prise en charge s’allongent, les équipes s’épuisent, les postes restent vacants. Et pendant ce temps, des enfants et des adolescent·es vulnérables sont laissés sans réponse, exposés à la précarité, à la violence, à l’abandon.

Les assises nationales de la protection de l’enfance se sont tenues le 19 juin dans un climat de tension extrême. Pour la CGT, l’échéance devait être un tournant. L’organisation syndicale a appelé à la mobilisation et a exigé un changement profond de cap. Ce qu’elle réclame, ce n’est pas seulement un sursaut politique, mais la réaffirmation d’un principe fondamental : protéger les enfants, tous les enfants, est une responsabilité publique non négociable. Le point sur le sujet avec Denis Bouclon !

L’effacement progressif de l’éducatif

Les réformes législatives récentes, loin de renforcer les fondements de la protection de l’enfance, en ont au contraire accéléré la dislocation. La mise en œuvre du code de justice pénale des mineurs, la loi sur l’autorité parentale ou encore les dispositions relatives à l’immigration ont transformé en profondeur le cadre d’action des professionnels. Ce qui dominait historiquement — l’éducatif, l’accompagnement, la prévention — cède désormais la place à une logique sécuritaire, qui ne dit pas son nom mais imprègne chaque dispositif.

L’ordonnance de 1945, qui consacrait une justice à part entière pour les mineurs, a été vidée de son esprit fondateur. Dans les faits, l’objectif d’insertion sociale passe après la rapidité d’exécution, les droits de la défense sont affaiblis, les placements se multiplient dans des conditions précaires. Plus grave encore, le nombre de mineur·es incarcéré·es augmente alors que la délinquance juvénile, elle, baisse. Ce renversement des priorités traduit un malaise profond dans les politiques publiques et un effacement progressif de ce qui faisait sens : la primauté de l’humain.

Les mineur·es isolé·es, premières victimes

Dans ce paysage en crise, les enfants étrangers non accompagnés incarnent l’abandon absolu des principes de solidarité. Souvent victimes de violences et de parcours migratoires chaotiques, ces jeunes arrivent en France dans l’espoir d’une protection. Ils trouvent le plus souvent suspicion, rejet et procédures arbitraires. Le déni de minorité est devenu la règle, les conditions d’accueil sont indignes, et les mécanismes de fichage biométrique instaurent une présomption de fraude généralisée.

La loi immigration de 2024 a entériné cette logique de tri. La présomption d’innocence, pourtant censée s’appliquer à tous les mineurs, disparaît au profit d’une suspicion systématique. La France, en agissant ainsi, tourne le dos à ses engagements internationaux, notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant. Loin de protéger, elle stigmatise. Loin d’accompagner, elle expulse symboliquement. Et ce sont des jeunes déjà fragilisés qui en paient le prix, privés des droits les plus élémentaires.

Une vision alternative de la protection

Face à ce constat alarmant, la CGT défend une tout autre vision de la protection de l’enfance. Elle plaide pour une rupture avec les logiques gestionnaires et les dispositifs à bas coût. Ce que le syndicat propose, c’est la création d’un véritable ministère dédié à l’enfance, un pilotage national des politiques, une revalorisation des métiers du soin et de l’éducatif, ainsi qu’un retour à un service public universel, désintéressé, non soumis à la concurrence entre structures.

L’organisation appelle aussi à renforcer la prévention spécialisée, à remettre en cause le code de justice pénale des mineurs, à restaurer l’esprit de l’ordonnance de 1945 et à garantir un accueil digne pour tous les mineurs, quelle que soit leur origine. C’est une refondation qu’elle exige, portée par une conviction simple : l’éducation ne peut être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité ou de la peur.

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