Transformer les débris de guerre en ponts vers l’avenir : L’ambition verte de l’Ukraine

Chantier de débris résultant de la guerre en Ukraine

Dans les plaines encore marquées par la guerre en Ukraine, un nouveau chapitre s’écrit… A Lioubomyrivka, dans la région de Mykolaïv, ce qui ressemble à un champ de gravats n’est pas un vestige laissé à l’abandon, mais le théâtre d’une ambitieuse reconstruction. Sous la direction de la société française Neo-Eco, des travailleurs triés sur le volet transforment les débris en matériaux réutilisables, une solution à la fois écologique et économique. Le point sur le sujet avec Denis Bouclon !

Une vision durable au cœur de la reconstruction

Au milieu des restes d’une école détruite par les bombardements russes, d’anciens soldats ukrainiens, aujourd’hui démobilisés, s’activent. Ces hommes, encore imprégnés de la guerre, voient dans ce travail une nouvelle mission : celle de contribuer à la renaissance de leur pays. Artem Soumara, chef de projet pour Neo-Eco, résume leur démarche avec pragmatisme : « L’idée est de se débarrasser des déchets, de ne pas les jeter dans une décharge, et de les réutiliser ».

Les ruines de l’école serviront bientôt à bâtir des routes, produire du béton, et ériger des fondations. Mais le processus, bien que prometteur, n’est pas sans défis. Entre la gestion des matériaux contaminés, notamment par l’amiante, et les contraintes logistiques, chaque étape requiert une précision chirurgicale. Malgré cela, Neo-Eco estime pouvoir recycler 70 % des débris, un chiffre qui donne un souffle d’espoir dans un pays où la reconstruction est une urgence nationale.

Des matériaux moins chers et plus verts

Avec près de 450 millions de tonnes de débris générés par la guerre, selon Kiev, la tâche semble titanesque. Pourtant, le recyclage des gravats n’est pas qu’une option écologique, c’est une nécessité économique. « Les matériaux produits de cette façon coûtent moins cher que les neufs », explique Artem Soumara. Ce facteur est central pour un pays dont les fonds publics sont massivement orientés vers la défense.

Et puis il faut savoir que l’enjeu va au-delà des finances. Laisser ces débris à l’abandon pourrait entraîner une contamination des sols et des forêts environnantes, exacerbant une situation environnementale déjà critique. Pour l’Ukraine, recycler devient non seulement un moyen de reconstruire, mais aussi une manière de préserver ses ressources naturelles.

Une technique éprouvée en contexte extrême

Neo-Eco n’en est pas à son coup d’essai, la société avait déjà utilisé cette méthode après l’explosion du port de Beyrouth en 2020. Mais appliquer cette technique dans une zone de guerre active, comme en Ukraine, ajoute une complexité supplémentaire. Les champs entourant les chantiers sont encore parsemés de mines, témoins silencieux de l’occupation russe en 2022. Néanmoins, ce projet ne se limite pas à la gestion des débris. Il offre une forme de réhabilitation aux anciens soldats blessés. Volodymyr Vinokour, 52 ans, gravement touché par un éclat d’obus, considère ce travail comme un « pont vers la vie civile ». Chaque jour passé à transformer des ruines en nouvelles structures est, pour lui, une manière de panser les plaies laissées par le conflit.

Une reconstruction sous tension financière

Dans un pays où la guerre continue de faire rage, les priorités budgétaires sont claires : les fonds publics ukrainiens se concentrent sur la défense. La reconstruction repose donc largement sur l’aide internationale. Le projet de Neo-Eco, par exemple, est soutenu financièrement par le Danemark. Vitaly Kim, gouverneur de Mykolaïv, reconnaît l’utilité de ces projets écologiques, mais reste lucide : « Ces démarches ne suffiront pas à sauver la situation ». Seulement 30 % des bâtiments endommagés dans sa région ont été réparés, alors que les bombardements continuent d’en causer de nouveaux. Pour lui, reconstruire dès maintenant, malgré l’incertitude, est une obligation. « On n’a pas le choix. On doit le faire maintenant ».

Related posts

Leave a Comment